Bourges, Saint-Étienne - Contrefort entre les portails du Jugement dernier et de la Vierge, front, soubassement : Sammaël parmi les serpents-dragons
Localisation
Édifice : Cathédrale Saint-Étienne
Extérieur, Façade occidentale
Contrefort entre le portail de la Vierge et le portail du Jugement dernier, front, Soubassement, partie supérieure de l'arcature, ensemble des écoinçons
Datation
2e quart 13e siècle
Description et iconographie
Techniques de l'œuvre : Sculpture
Description : Soit un écoinçon médian et deux demi-écoinçons latéraux.
Iconographie :
Scènes : Sammaël ; Tentation d'Adam et Ève ; Vigne
Description : Sammaël parmi les serpents-dragons. Un personnage apparaît en position frontale, les cheveux longs retombant sur ses épaules, vêtu d'une tunique à longues manches s'arrêtant à mi-mollet, la taille ceinte d'un bandeau. Ses pieds nus reposent sur la tête d'un animal démoniaque qui occupe le bas de l'écoinçon et dont la queue enroulée se conclut par une feuille de vigne. Ses bras sont légèrement écartés en direction de deux démons semblables qui le flanquent, à droite et à gauche. Sur les demi-écoinçons latéraux, on entrevoit deux serpents-dragons similaires, dont un, celui de droite, a été retaillé en forme d'oiseau. Ce groupe hétérogène est inséré dans une végétation abondante, essentiellement constituée de feuilles de vigne auxquelles se mêlent des grappes de raisin.
L'interprétation de cette scène s'est révélée problématique pour la plupart des auteurs, en raison surtout de son incompatibilité supposée avec l'ensemble du cycle de la Genèse. Mais la scène recouvre une signification nouvelle si on la rapproche de textes hébraïques, en particulier les « Pirqé de Rabbi Eliézer » (VIIIe-IXe siècles) et le « Sepher Ha-Zohar ou Livre de la splendeur » (XIIIe siècle). Deux passages de ces œuvres décrivent un épisode qui se déroule au sein du Paradis terrestre, au moment de la Tentation d'Ève. « Il s'agit de Sammaël qui apparaît sur un serpent. L'essence du serpent, c'est le Satan, ils ne font qu'un. Nous avons appris qu'à ce moment Sammaël descendit du ciel sur un serpent », selon le premier de ces textes ; « Sammaël était le grand prince des cieux… Il rassembla sa bande et descendit voir toutes les créatures que le Saint, béni soit-Il, avait faites dans son monde. Et parmi elles, il n'en trouva aucune qui fût aussi encline à la perfidie que le serpent… Sammaël grimpa sur lui et le chevaucha », selon le second texte. Un autre lien se trouve dans la version grecque du troisième Livre de Baruch : « montre-moi l'arbre qui a égaré Adam. Et l'ange dit : c'est la vigne que l'ange Sammaël a plantée, ce dont le Seigneur Dieu fut irrité ; et Il le maudit, lui et sa plante. Pour la même raison, il ne permit pas à Adam d'y toucher. C'est aussi la raison pour laquelle le diable, saisi de jalousie, le séduisit par sa vigne. » Cette identité entre la vigne, son fruit et l'origine du mal est l'un des fils conducteurs du cycle vétérotestamentaire de la cathédrale. Sammaël reste le personnage principal de la démonologie juive durant tout le Moyen Âge, en particulier dans les textes relatifs à la Cabale, qui récapitulent les traditions démonologiques antérieures. Une incursion dans le contexte liturgique juif contemporain conforte l'interprétation ici faite ; de même que l'analyse des ornements de la frise du module, s'insérant logiquement dans le cycle de la Tentation et de la Chute, même si après l'épisode du péché, cette frise s'enrichit de petits serpents-dragons placés en alternance avec les oiseaux.
L'interprétation de cette scène s'est révélée problématique pour la plupart des auteurs, en raison surtout de son incompatibilité supposée avec l'ensemble du cycle de la Genèse. Mais la scène recouvre une signification nouvelle si on la rapproche de textes hébraïques, en particulier les « Pirqé de Rabbi Eliézer » (VIIIe-IXe siècles) et le « Sepher Ha-Zohar ou Livre de la splendeur » (XIIIe siècle). Deux passages de ces œuvres décrivent un épisode qui se déroule au sein du Paradis terrestre, au moment de la Tentation d'Ève. « Il s'agit de Sammaël qui apparaît sur un serpent. L'essence du serpent, c'est le Satan, ils ne font qu'un. Nous avons appris qu'à ce moment Sammaël descendit du ciel sur un serpent », selon le premier de ces textes ; « Sammaël était le grand prince des cieux… Il rassembla sa bande et descendit voir toutes les créatures que le Saint, béni soit-Il, avait faites dans son monde. Et parmi elles, il n'en trouva aucune qui fût aussi encline à la perfidie que le serpent… Sammaël grimpa sur lui et le chevaucha », selon le second texte. Un autre lien se trouve dans la version grecque du troisième Livre de Baruch : « montre-moi l'arbre qui a égaré Adam. Et l'ange dit : c'est la vigne que l'ange Sammaël a plantée, ce dont le Seigneur Dieu fut irrité ; et Il le maudit, lui et sa plante. Pour la même raison, il ne permit pas à Adam d'y toucher. C'est aussi la raison pour laquelle le diable, saisi de jalousie, le séduisit par sa vigne. » Cette identité entre la vigne, son fruit et l'origine du mal est l'un des fils conducteurs du cycle vétérotestamentaire de la cathédrale. Sammaël reste le personnage principal de la démonologie juive durant tout le Moyen Âge, en particulier dans les textes relatifs à la Cabale, qui récapitulent les traditions démonologiques antérieures. Une incursion dans le contexte liturgique juif contemporain conforte l'interprétation ici faite ; de même que l'analyse des ornements de la frise du module, s'insérant logiquement dans le cycle de la Tentation et de la Chute, même si après l'épisode du péché, cette frise s'enrichit de petits serpents-dragons placés en alternance avec les oiseaux.
Bibliographie : Brugger Laurence et Christe Yves, Bourges, la cathédrale, Saint-Léger-Vauban, Zodiaque, 2000 (ici p. 211-216).
Notes
Notes sur l'œuvre : Pour le cycle de la Genèse courant sur le soubassement des portails du Jugement dernier, Saint-Étienne et Saint-Ursin de la cathédrale (de gauche à droite), l'ouvrage de Brugger et Christe (op. cit.) apporte une interprétation originale et éclairante : il démontre qu'il convient, pour retrouver la cohérence de la séquence et appréhender le sens exact des scènes illustrées, de recourir non pas à la Vulgate mais à un ensemble de sources juives, à savoir « à la traduction paraphrastique araméenne du texte biblique hébreu, les Targumim, aux légendes juives, les Midrashim, et enfin au Talmud de Babylone ».
Notice : Béatrice Coquet
Date de la notice : 10/03/2016
Photos de l'œuvre
Œuvres associéesVues d'ensemble